La centrale accostée temporaire louée par la SLN à KARPOWERSHIP, arrivée dans la grande rade en juillet 2022, sans consultation du public

La province Sud a modifié son code de l’environnement en mai 2022 pour que la centrale accostée temporaire (CAT) de la SLN, qui fonctionne au fioul lourd et émet d’énormes quantités de particules fines dangereuses pour la santé, échappe à l’obligation d’information et de consultation des citoyens.

Dans la grande rade de Nouméa, sur plus de 220 hectares gagnés sur le lagon, la SLN exploite une usine pyrométallurgique qui transforme les minerais du territoire en mattes de nickel. Cette opération consomme énormément d’énergie , depuis de nombreuses années, la SLN devait changer sa centrale thermique à fuel lourd vieillissante et très polluante.

Malgré l’ancienneté de l’investissement initial (la centrale thermique atteignait 50 ans), le soutient financier consenti par l’Etat depuis 20 ans et l’absence de taxe sur le prélèvement de la ressource minière, la SLN serait perpétuellement au bord de la faillite. Cette situation lui permet de pratiquer un chantage à l’emploi quasi-permanent et de remettre systématiquement à plus tard l’amélioration des conditions de travail  dangereuses de ses salariés.

De la même manière, la SLN retarde les investissements nécessaires au respect des normes environnementales internationales et locales, empoisonnant l’atmosphère de la zone avec de notables conséquences sur la santé des Nouméens.

La SLN a, entre 2007 et 2008, envisagé de remplacer sa centrale énergétique à fioul lourd par une centrale à charbon encore plus polluante. Ce projet a été abandonné pour des considérations économiques (le cours du nickel étant alors en forte baisse) et des environnementalistes – dont l’association EPLP.

Plus d’une décennie s’est écoulée avant que la SLN, qui n’avait toujours pas géré le remplacement de son approvisionnement énergétique, soit contrainte de réagir du fait d’un accident mortel survenu dans la centrale thermique (le 10 mai 2021).

Dos au mur, elle a eu recours à une solution présentée comme transitoire : la location d’une centrale flottante fonctionnant au fioul lourd (FOL), à la société turque KARPOWERSHIP INTERNATIONAL DMCC, par le biais d’un contrat d’affrètement à temps qui a été signé le 1er février 2022.

Le fioul lourd n’est plus utilisé en France à cause de ses impacts sur la santé et l’Union européenne interdit aux paquebots qui l’utilise de stationner dans ses ports, depuis 2015.

Malgré les effets délétères avérés de la centrale, la province Sud a exempté la SLN de soumettre son projet à enquête publique, conformément à l’article 413-27 du Code de l’environnement de la province Sud (CEPS), en ajoutant une exemption pour les installations : « indispensables au maintien en activité d’une installation non-temporaire existante affectée par des difficultés de nature technique ou financière avérées ».

Cette manœuvre règlementaire, réalisée en mai 2022, qui n’apparaît pas conforme à l’article 7 de la Charte de l’environnement sur la participation du public, représente un affront aux citoyens calédoniens, et plus particulièrement aux riverains de la grande rade (habitants des quartiers de Nouville, Ducos, Kaméré, Logicoop et de la Vallée du Tir). Ces derniers ont été dépouillés du droit d’être informé sur les substances auxquelles ils sont exposés quotidiennement.

Pourquoi cacher aux citoyens les impacts de la centrale accostée ?

  • Car elle ne respecte pas les engagements de la Nouvelle-Calédonie et les règles de la province Sud sur les rejets de gaz à effet de serre

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a signé les accords de Paris sur le climat, dont le respect des objectifs interdit de mettre en exploitation une unité de production électrique aussi peu efficace et polluante qu’une centrale thermique à fioul lourd dénuée de filtre, de dispositif de séquestration de du carbone et de programme de compensation.

  • Car la nouvelle centrale rejette des volumes d’eaux sursalées (14 000 m3/h) à une température de 40° en quantité astronomique dans la grande rade en continu

Alors que la vie marine s’étouffe rapidement dans l’eau chaude et qu’une variation de 1° peut suffire à tuer les coraux, l’étude d’impact présente une modélisation des effets de ces rejets sur une période 48 heures seulement.

  • Car la centrale rejette des produits toxiques en très grandes quantités

Alors que la province Sud avait adopté – avec beaucoup de retard – des normes environnementales sur les centrales thermiques (Délibération n° 29-2014/BAPS/DIMEN), elle n’a pas appliqué ces règles à la centrale accostée de la SLN.

Par conséquent, la centrale ne respecte pas les limites de rejet de sulfures, sulfates et sulfites, ainsi que de tous les métaux lourds (chrome, nickel, cadmium, plomb et mercure).

Pour mettre en perspective l’impact de la centrale accostée, l’Union européenne limite à 0,1% la teneur en soufre des combustibles utilisés par les navires à quai, depuis le 1er janvier 2010, car ces derniers consomment du fioul lourd très polluant (DIRECTIVE (UE) 2016/802 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 11 mai 2016 concernant une réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides).

Or la CAT consomme  environ 269 000 Tonnes/an (Cf. Etude d’impact, livret C, page 28) comprenant un mix de fioul lourd TBTS et BTS (Cf. Etude d’impact, Impact sur la qualité de l’air, page 19).

Le fioul BTS (Basse Teneur en Soufre) présente une teneur en soufre avoisinant les 2%, c’est-à-dire 20 fois supérieure à la teneur autorisée près des zones urbaines européennes.

La CAT, qui est située en pleine zone urbaine de Nouméa, dont la population avoisine les 180 000 habitants, affectera directement la santé des habitants.

Pourtant, cet impact n’a pas été relevé comme un inconvénient (au sens de l’article 413-3 du CEPS), de nature à imposer la mise en œuvre de mesure de compensation écologique (et ce malgré le dépassement des seuils règlementaires).

L’association EPLP a contesté l’autorisation donné à la SLN, notamment à l’égard de ces éléments, devant le Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie.